05/06/2013

"La jubilation n'est jamais un plaisir sans mélange: elle est nécessairement aussi très pénible."


"Le bonheur n'est pas seulement agréable, il est aussi profondément désagréable. Il l'est pour moi et je suspecte qu'il l'était aussi pour Brenin. 

Je ne ressors pas là la vieille rengaine du bon sens: on ne peut apprécier les jours heureux que si l'on en a aussi connu de malheureux. Tout le monde le sait. Le bon sens établit un rapport de causalité entre l'expérience des mauvais moments et l'appréciation des bons, qu'on ne saurait reconnaître sans avoir préalablement subi la peine. 

En déclarant que le bonheur est désagréable, j'affirme plutôt que le bonheur est lui-même en partie déplaisant. C'est une vérité nécessaire sur le bonheur qui ne peut pas être autre. Dans le bonheur, l'agréable et le désagréable forment un tout indissoluble, qu'on ne peut séparer sans que tout s'écroule."

"(dans un combat de boxe) Si votre coup frappe sa mâchoire de façon nette et propre, vous éprouvez une grande jubilation. Pas parce que vous haïssez le gars, bien au contraire: dans votre bulle de concentration, vous ne sentez rien, vous ne ressentez rien pour ni contre lui. Vous jubilez parce que vous êtes froidement, calmement terrifié au-delà de toute mesure. Combattre, ce n'est pas seulement avoir conscience de l'autre, mais être conscient de la dangerosité de votre situation existentielle : se savoir en équilibre au bord d'un précipice et être conscient qu'il suffit d'un faux mouvement d'un coté ou de l'autre pour causer un désastre.

Lorsque la vie est au comble de ce qu'elle a de viscéral, et donc aussi de dynamique, il devient impossible de séparer l'exultation et la terreur. Savoir que la catastrophe guette chacun de vos gestes peut nourrir les plus puissants transports de joie : ce savoir de fond dans la jubilation et en devient partie intégrante. La terreur et la jubilation sont les deux cotés d'une même pièce, les deux aspects d'un même Gestalt. C'est pourquoi la jubilation n'est jamais un plaisir sans mélange: elle est nécessairement aussi très pénible."

de "Le Philosophe et le loup. Liberté, fraternité, leçons du monde sauvage" de Mark Rowlands.

A voir également sur le même sujet: 

The Power of Vulnerability, video by Brené Brown


Cripple and a Starfish, by Anthony and The Johnsons


Virtuosity, by Greg Glassman

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